lundi 15 mai 2006, 12h23
Malek Chebel, une voix libérale de l'islam
Par Par Amer OUALI
PARIS (AFP) - L'anthropologue Malek Chebel qui vient de publier à Paris "le Kama sutra arabe", premier manuel d'éducation sexuelle en terre d'islam, s'emploie depuis plus de 20 ans à développer une image libérale de cette religion en traquant les mensonges et l'hypocrisie des intégristes.
Alors que des professeurs d'Al Azhar, la plus prestigieuse institution de l'islam sunnite au Caire, ont proclamé tout récemment l'interdiction de "faire l'amour nu" sous peine d'invalider le mariage, M. Chebel ne voit là qu'un anachronisme hérité d'un code de l'honneur bédouin "fort ancien".
Comme le recueil attribué à l'Indien Vatsyayana, "le kama sutra arabe" ne se prive pas de conseils pratiques pour célébrer l'amour charnel, mais rappelle aussi toute l'importance des préliminaires et de la séduction: par le chant, le regard, les parfums...
L'anthropologue âgé de 54 ans connaît trop bien les arguments de ses détracteurs pour abdiquer sous leurs pressions. Lycéen puis étudiant à Constantine, la métropole spirituelle de l'est algérien, il y a acquis une fine connaisance de l'islam. Ses affirmations se référent sans cesse au Coran ou à la tradition du prophète.
Parmi ses nombreuses publications, "le dictionnaire amoureux de l'islam", "du corps en islam", "l'islam et la raison".
"On peut simplement m'attaquer sur un plan subjectif mais j'ai décidé de ne pas tenir compte des pressions morales", lance comme dans un défi le chercheur au visage rond éclairé par un large sourire.
Arrivé à Paris en 1980 pour préparer un doctorat en psychopathologie et psychanalyse après une licence de psychologie clinique à Constantine, M. Chebel veut contribuer par ses études à voir l'Orient et l'Occident s'éloigner des "lieux de confrontation" où les extrêmistes veulent les conduire.
"J'ai pris le parti de chercher la lumière dans le monde arabe. Je suis tenu par un souci de vérité et je veux m'approcher au plus près possible de ce que je pense être cette vérité", dit-il.
Il a fait le choix de dire ce que d'autres dissimulent sous le voile de la pudeur ou de l'hypocrisie. Surtout, en matière d'amour.
"Complices, adultes et consentants, les amants qui se retrouvent dans l'intimité d'un lit ou d'une maison peuvent donner libre cours à tous leurs fantasmes sexuels", rappelle M. Chebel.
Il souligne que "l'acte charnel est une bénédiction" et que l"amateur de chair est aimé par Dieu". Il cite les dizaines de synonymes du pénis comme d'autres énumèrent les 99 noms d'Allah.
Si le croyant chaste peut accéder au rang de martyr, selon la tradition musulmane, l'époux et l'épouse, puisque la relation sexuelle n'est licite que dans la cadre strict du mariage, ne se voient pas indiquer des limites à leurs ébats. "Vos femmes sont vos labours", dit le Coran. Et le bon musulman est bien celui qui satisfait son épouse.
Phallocratique l'islam? Chebel rappelle que la femme n'est pas considérée comme un objet reproducteur, contrairement à une croyance répandue, mais bien une partenaire qui peut rompre le lien du mariage en s'estimant insatisfaite. Mieux, il cite des cas où le prétendant doit exhiber ses attributs masculins avant d'espérer convoler avec la convoitée...
Si, par ailleurs, l'islam interdit l'homosexualité c'est "mal connaître les arabes" que de les croire homophobes. Et Malek Chebel de citer tant d'illustres personnages qui ont défendu ce "fruit interdit" et qui ont nourri un "culte très particulier à l'éphèbe et au mignon". "Pour le vagin je n'ai aucune appétence, le pénétrer est pour moi une disgrâce", chantait un poète anonyme...